mercredi 2 juillet 2014

La peinture d'Yves Baudry, une beauté engagée














Fenêtre de rosée © Yves Baudry
(détails)








INSTANTS…………une fente aiguë, inespérée
                                                                                              entre les lèvres d’un ciel à crédit. " 
                                                                                                                                   
                                                                                                                              Yves Baudry





Avec la peinture d’Yves Baudry, il n’est pas question d’un simple retour à la “nature” ou à une quelconque peinture de paysage; il s’agit de reprendre l’idée de la peinture telle qu’elle a été laissée en friches depuis un siècle, depuis les impressionnistes peut-être, mais avec tout l’acquis de l’histoire de la peinture du vingtième siècle qu’il maîtrise parfaitement, théorie et pratique confondues.

Yves Baudry sait ce qu’il veut, mais en ignore tout presque à chaque nouvelle toile. Même si cela ne se voit pas du point de vue du « regardeur », cela s’appelle le risque de la peinture.






Nocturne n°4 — Pastels huile sur toile
© Yves Baudry








Yves Baudry, dans son geste vertical de peindre, relève avec courage, mais surtout audace et ténacité, un défi solitaire, mûrement pensé, que notre époque entrevoit de façon évasive. On se demande souvent à quoi servent l’art, la poésie, sans se rendre compte qu’ils sont les seuls outils majeurs que l’homme a inventés pour illuminer le sens de son propre destin, pour donner sens et visage à son désir de connaissance. Voici donc une peinture, voici donc un peintre dont l’ouvrage est la lumière, dont l’esprit est l’esprit des couleurs, dont la matière est rugueuse à étreindre comme celle du monde. Ce que l’époque entrevoit, c’est l’extrême fragilité de tous nos systèmes écologiques; ce que le peintre indique sur ces vieilles planches mal ajourées, c’est que nous ne pourrons moralement être sauvés que si nous sommes encore capables de fabriquer de la beauté et non pas seulement de l’utilitaire dévastateur.






Il était un arbre — Pastels huile sur drap de lin
© Yves Baudry




Ce qui est apparemment figuratif ne touche notre fibre artistique que dans la mesure où les éléments en sont tamisés par le filtre d’une vision qui est celle du peintre; cette “vision” vient-elle à manquer que le tableau se dissout en une vaine réécriture. De même ce qui peut sembler abstrait dans une toile n’est émouvant que si le peintre en a ramené une plus intense pénétration du réel, une épure qui enchante le regard, la soif d’être. Ce qui m’emporte dans l’univers de la peinture d’Yves Baudry, c’est ce mélange de rigueur et de passion, de jaillissement en structures éclatées, de florilège de la lumière. Parfois c’est un monde de plumes et de flèches indiennes, parfois c’est l’ombre portée des crépuscules de la mémoire. Celui qui voit, ce n’est pas seulement celui qui regarde par la fenêtre, c’est aussi celui qui voit la fenêtre, celui qui est hanté par le regard, qui est lui-même une fenêtre ouverte sur l’invisible couleur du monde.




Peinture sur papier © Yves Baudry (collection particulière)




Chez lui, le dessin, la couleur, le geste sont les traces d’un feu originel qui ne cesse de danser dans l’espace tout en donnant l’impression d’une parfaite immobilité. Sa peinture se tient sur cette crête, celle des grandes contradictions de la perception, souffle et silence, énergie et concentration, ombre de la lumière, lumière d’ombre, et pourquoi pas pensée de la lumière. André Breton parlait jadis d’un “signe ascendant” inhérent à l’image poétique; je ne peux m’empêcher d’y songer chaque fois que je regarde ou découvre une toile d’Yves Baudry. C’est que la lumière en quête de quoi l’esprit de sa peinture est tout entier tourné est tantôt gerbe, tantôt escalier céleste, tantôt éclat pris aux miroirs inconnus, tantôt chemin illuminé par son seul cheminement.



                                                                               Texte Pierre Vandrepote


















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